Aliments Dur dur d'être durable
De « Chicken run » qui compare l'élevage avicole à un camp de concentration à l'engagement de l'ancien Beatles Paul McCartney en faveur du lundi sans viande, les attaques se multiplient contre les productions animales, soutenues par le rapport de la FAO chiffrant l'impact de l'élevage sur les gaz à effet de serre.
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La pression augmente : les productions animales sont pointées du doigt pour leur impact sur la production de gaz à effet de serre, la dégradation des sols, la pollution de l'air et de l'eau. L'élevage européen est mis en cause dans la déforestation en Amazonie… Aucune filière n'est épargnée : la production de lait bio exigeant par exemple 80 % de terre de plus et générant deux fois plus de substances responsables d'eutrophisation que la production intensive. Si le développement à long terme de la consommation des produits de l'élevage dans les pays émergents semble acquis, les productions animales européennes dont la tendance est plutôt à la stabilité voire la décroissance, sont-elles vraiment durables ? Les médias sont montés à l'attaque. Le film d'animation « Chicken run » s'efforçait en 2000 de faire le parallèle entre élevages de volailles et camps de concentration. La FAO accuse l'élevage de ruminants d'être un contributeur majeur des gaz à effet de serre dans un rapport de 2006 à la couverture inquiétante et au titre évocateur « L'ombre longue de l'élevage ».
La journée sans viande fait recette
Du coup, Paul McCartney, sa fille Stella et Yoko Ono ont lancé en juin, à Londres, le « lundi sans viande ». Ils suivent les pas des conseillers municipaux de Gand (Belgique).A l'initiative de l'association EVA (Ethical Vegetarian Alternative), la ville organise depuis le 13 mai le « jeudi sans viande » en mobilisant toutes les occasions : déjeuner végétarien gastronomique pour les notables, sachets de friandises végétariennes gratuites et, dès septembre, offre dans les cantines scolaires, brochures de cuisine végétarienne distribuées aux 1 500 restaurants de la ville, cours de cuisine pour les professionnels comme pour les particuliers… Les arguments déployés par l'association reposent sur deux axes : la réduction des gaz à effet de serre et la promotion de la santé individuelle sous l'angle « excès-cholestérolobésité ». La consommation annuelle de viande d'un Européen, toutes espèces confondues (y compris cheval et abats) a en effet quasiment doublé en cinquante ans. Elle dépasse aujourd'hui 94 kg contre 50 kg dans les années cinquante.
La contre-offensive s'organise
Pour Geneviève Cazes Valette, qui a réalisé une thèse sur le sujet, les Français restent cependant des mangeurs de viande. Mais ils n'identifient pas toutes leurs consommations de produits animaux : ainsi, les produits élaborés de volailles, le jambon voire les lardons ne sont pas forcément classés comme tels. Quant aux végétariens et végétaliens, aucune statistique officielle ne les compte, mais des estimations les placent respectivement à 1,8 et 0,2 % en France, c'est-à-dire moins que les 3 à 5 % de « sympathisants » estimés en Grande-Bretagne. Dans le même temps, l'effet « Bambi » monte : de plus en plus d'animaux passent du statut de source de protéine à celui d'animaux familiers, le cas emblématique étant le lapin. Les défenseurs des animaux se voient rejoindre par les environnementalistes qui luttent contre l'irrigation du maïs et d'autres mouvements tels que le « courant antilait » qui mêlent santé humaine et bien-être animal. Les jeunes semblent les plus sensibles à ces différents arguments… Bref, l'inquiétude monte. Mais, la contre-offensive s'organise. Par exemple, la filière laitière a engagé une thèse sur l'histoire des produits animaux dans les consommations de l'homme pour contrer le concept de « régime néolithique ». Les éco-diagnostics des exploitations permettent de les comparer sur des indicateurs aussi variés que l'efficacité énergétique, la consommation de fioul par hectare, la consommation d'engrais, la production de tonnes équivalents CO2/ha ou le nombre de personnes nourries par hectare. Les accords professionnels volontaires vont dans le même sens. Arnaud Bouxin, directeur adjoint de la Fefac, citait par exemple en mars dernier, lors du symposium de Tecaliman sur le thème du développement durable, l'accord en Flandre sur les protéines dans les aliments : « Les éleveurs qui achètent des aliments complets à des fabricants d'aliments limitant volontairement la quantité de protéines dans leurs aliments bénéficient de plus de flexibilité dans les opérations d'épandage de lisier. » C'est d'ailleurs à l'occasion de ce symposium que les trois syndicats de l'alimentation animale française, Afca-Cial, Coop de France Nutrition animale et Snia, ont lancé leur mission développement durable. Confiée pour partie au centre technique de Nantes et pour partie au Comité scientifique de la nutrition animale, elle se concentre sur deux points : l'intégration des enjeux du développement durable dans les processus de production, des achats à la logistique, et l'amélioration de l'efficacité énergétique.
DOSSIER RÉALISÉ PAR YANNE BOLOH
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